Pourquoi nous n’avons pas besoin de nouvelles centrales au gaz
Dégaze/Tegengas affirme catégoriquement qu’il n’y a pas besoin de nouvelles centrales au gaz et que les centrales nucléaires peuvent de toute façon être fermées. Nous ne l’avons pas inventé nous-mêmes, mais nous nous sommes basés sur les rapports de la CREG, le régulateur de l’énergie en Belgique. C’est une histoire assez technique mais nous l’expliquons ci-dessous étape par étape.
La loi stipule qu’il y a un problème de sécurité d’approvisionnement si le facteur LOLE (Loss of Load Expectation) est supérieur à 3 heures. Le graphique ci-dessous (p.24 de ce rapport) résume très bien pourquoi Elia et la CREG ne sont pas d’accord sur l’existence ou non d’un problème de sécurité d’approvisionnement. Cela a à voir avec le changement climatique.
Dans son rapport 2019, Elia a fait ses calculs avec des données remontant à 33 ans, comprenant les hivers extrêmement froids de 1984-1986 (les barres bleues). La CREG recommande de ne remonter que de 20 ans en arrière car, en raison du changement climatique, de tels hivers extrêmement froids sont devenus très improbables (les barres grises).
Il ressort clairement de ce graphique que si l’on se projette 20 ans en arrière, comme le font tous les régulateurs de l’énergie des pays voisins, la LOLE en 2030 sera de 2,9 heures, ce qui est inférieur à la limite légale de 3 heures. Autrement dit, il n’y a pas besoin de nouvelles capacités pour garantir la sécurité d’approvisionnement.
Elia a publié cette année une nouvelle étude d’adéquation. Cette étude prend bien en compte le changement climatique mais utilise une méthode différente de celle proposée par la CREG dans ses rapports de 2019. Par conséquent, une comparaison directe avec le graphique ci-dessus est quelque peu difficile.
Dans ce rapport, Elia mobilise deux scénarios, le scénario de base EU-base et le scénario EU-safe. Dans les deux scénarios, la quantité de capacité supplémentaire qui serait nécessaire – et qui devrait être garantie par le CRM – est inférieure aux 3,7 GW prévus par les ventes aux enchères T-4 qui ont lieu cette semaine (2,3 GW) et T-1 en 2024 (1,4 GW) combinées.
- Dans le scénario de base, cela implique 1,7 GW (p.199) de nouvelles capacités non-rentables. Comme 1,4 GW sera mis aux enchères dans le cadre de la vente aux enchères T-1 en 2024, il ne reste que 0,3 GW pour la vente aux enchères T-4 dans ce scénario:
- Dans le scénario sûr, de nouvelles installations non-rentables de 2,4 GW (p205) sont concernées, ce qui ne laisse que 1 GW pour la vente aux enchères T-4 après déduction des 1,4 GW pour la vente aux enchères T-1:
La conclusion est que le CRM actuel comporte un surplus de capacité mise aux enchères par rapport à ce qui est nécessaire, ceci étant également confirmé par Greenpeace, BBL et IEW, voir ce communiqué de presse. La CREG n’a pas encore publié de rapport en réponse à cette nouvelle étude d’Elia.
Par ailleurs, il existe un certain nombre d’arguments expliquant pourquoi l’étude d’adéquation d’Elia est une surestimation grossière de la capacité nécessaire :
- le scénario Safe prend en compte la défaillance des réacteurs nucléaires en France, un aspect qui est juridiquement en dehors du champ d’application du mécanisme CRM actuel.
- Elia part de l’hypothèse d’une augmentation constante de la demande d’électricité et ne tient pas compte de l’impact à long terme de la crise covid, à la suite de laquelle notre demande d’électricité (même en cas d’électrification accrue) est plus susceptible de stagner. C’est ce que supposent les gestionnaires de réseau de nos pays voisins.
- L’ambition en matière d’énergie durable, d’économies d’énergie, de gestion de la demande et d’efficacité énergétique peut et doit être encore renforcée.
Enfin, nous voudrions conclure sur la nature prétendument temporaire des centrales à gaz qui seront construites. Il n’existe aucune garantie légale que ces centrales seront fermées au bout de quelques années ou qu’elles produiront une électricité plus “verte” :
- les subventions qui seront accordées via le CRM seront fixées pour 15 ans.
- les permis environnementaux qui seront accordés pour les nouvelles centrales électriques au gaz seront d’une durée indéterminée. Les permis sont basés sur un nombre maximum d’heures de fonctionnement, et donc d’émissions, de ces centrales.
- la durée de vie économique d’une centrale au gaz est de 20 à 30 ans.
- les conditions attachées au CRM exigent la neutralité climatique uniquement en 2050, sans être explicites quant aux exigences des “objectifs intermédiaires” en 2035 et 2045. Voir ce document à la page 55).